Medjugorje, Bosnie & Herzégovine, Vendredi 2 Août 2019
Sabrina : Mgr Dominique Rey, nous nous trouvons à Medjugorje, en Bosnie et Herzégovine, et vous avez été invité par Mgr Hoser pour venir donner un enseignement lors du Festival des jeunes. Votre enseignement aura lieu demain matin, Samedi 3 Août 2019. Pourriez-vous nous dire comment vous avez vécu cette invitation? Pourquoi avez-vous dit oui? Quelles sont vos impressions par rapport à ce festival, vos impressions depuis que vous êtes arrivé?
Mgr Rey : D’abord, je connaissais Medjugorje, puisque j’y suis venu il y a de très nombreuses années, il y a plus de 25 ans, j’y suis venu comme prêtre. J’y étais venu très discrètement, je ne connaissais pas le lieu et je n’y étais resté que deux jours.
Deuxièmement, j’ai beaucoup entendu parler de Medjugorje par des amis qui y viennent régulièrement, des personnes de mon diocèse qui organisent des pèlerinages… Donc c’est un lieu qui m’est familier, d’une certaine manière, et très personnellement j’ai répondu à l’invitation de Mgr Hoser – qui a fait suite à la reconnaissance des pèlerinages par le Pape François – pour pouvoir mieux intégrer ce que c’est, ce que le pèlerinage représente, le message qui y est donné, l’atmosphère générale. J’ai donc accepté de venir passer quelques jours ici, à Medjugorje.

Sabrina : Votre affection pour le Pape Jean-Paul II, le Pape Benoît XVI et maintenant pour le Pape François est largement connue. Vous êtes très attentif à ce que dit le Saint-Père. Cela a- t-il été important pour vous qu’il permette les pèlerinages officiels à Medjugorje?
Mgr Rey : Personnellement, comme évêque, même si j’avais reçu des invitations, je m’étais gardé d’y répondre pour ne pas préjuger la décision de l’Église, ne pas précipiter la conclusion que l’Église serait amenée à donner, en fonction des enquêtes qui ont pu avoir lieu, par le cardinal Ruini et par d’autres aussi. C’est à cette condition-là que je suis venu.
En même temps, ce qui m’intéresse ici, c’est de découvrir la foi du peuple chrétien… Cette foi populaire qui s’exprime à travers des gestes, à travers des postures physiques, à travers les grands moments de prière… Une simplicité… On sent que les gens déposent le meilleur d’eux-mêmes et le plus tragique aussi d’eux-mêmes, dans les moments de confession… Je suis très touché par cette ferveur et par l’Eucharistie ici à Medjugorje, cet aspect universel de l’Église. L’universalité des nationalités qui sont ici représentées.
Il me semble qu’effectivement on retrouve en ces lieux, comme dans beaucoup de lieux de pèlerinage une foi simple et une volonté de tout remettre à Dieu. Ce qui fait la condition de l’attachement au Christ, c’est de s’en remettre à Dieu totalement. Ici on a une expression vivante, populaire, de cette disposition du cœur.
J’ai été très marqué aussi par les témoignages qui m’ont été donnés, transmis. Il y a eu beaucoup de vocations, de conversions, de changements de vie, de lumières, de guérisons qui ont été donnés… L’Église prend en compte les dispositions actuelles.
C’est un lieu de rassemblement, mais aussi un lieu profondément habité par l’espérance. C’est-à-dire de personnes qui s’en remettent à Dieu, qui pensent réellement que Dieu peut agir bien au-delà de leur capacité, de leurs ressources et plus profondément encore de leur pauvreté ou de leurs épreuves.
Sabrina : Qui a choisi le thème sur lequel vous allez parler demain?

Mgr Rey : C’est Mgr Hoser qui m’a demandé de parler des charismes. Des charismes individuels et communautaires. Je crois que c’est une dimension très importante dans la vie de l’Église effectivement, cette dimension charismatique.
Il y a ce que Dieu donne, mais aussi la manière de le vivre, de l’accueillir, de le déployer et cette Église, que nous aimons, est sans cesse renouvelée par ces charismes qui sont donnés à titre individuel mais aussi à titre communautaire.
Quand on voit les périodes de la vie de l’Église, particulièrement dans les périodes de creux, comment sont créés des charismes qui ont donné lieu à des périodes de renouveau, de réveil… Je crois que c’est une grande question qui nous est posée aujourd’hui – comment notre Église, pour ne pas tomber dans l’administration, l’institution, peut-elle être sans cesse renforcée, rendue plus féconde à travers l’expression des charismes.
Sabrina : Le père Alexis Wiehe, curé archiprêtre de votre cathédrale à Toulon, a vécu une expérience très forte à Medjugorje et cela a fortement marqué son sacerdoce. Il a écrit plusieurs livres sur Medjugorje, d’ailleurs très intéressants. J’en ai même édité deux pour «Les Éditions Sakramento». Je suis curieuse de savoir de quelle manière il vous transmettait cette affection qu’il avait pour la Vierge Marie à Medjugorje. Il est également un grand connaisseur des messages.
Mgr Rey : Oui c’est vrai. Je sens que cette vie à Medjugorje, qui inspire son ministère, est un trait fondamental dans son appel à suivre le Christ et à devenir ministre du Seigneur. C’est important pour un prêtre d’aller se ressourcer dans des lieux où il puisse trouver la sève. Je pense que pour le père Alexis, c’est un lieu comme celui-ci. Il y est venu régulièrement, il a travaillé la question, il a invité d’autres personnes à faire la même expérience et n’a pas garder pour lui-même le trésor qu’il avait trouvé. Il a voulu partager un peu. Tous les prêtres sont invités à rejoindre des lieux de ressourcement.
Sabrina : Avez-vous eu l’occasion, ou pas encore, de vous plonger dans les messages?
Mgr Rey : Alors je connais peu les messages. J’en ai lu bien sûr quelques-uns, j’en ai entendu parler. Je dirais que pour le moment je suis à une phase où j’observe le fruit du message, mais je n’ai pas encore découvert les contenus profonds des messages.
Sabrina : Quand même, Medjugorje est très présent dans votre diocèse, par exemple je suis proche du père Ludovic Marie Margot, qui lui aussi vient régulièrement en pèlerinage avec beaucoup de jeunes. Comment se fait-il que le diocèse de Toulon semble être un diocèse avec le cœur ouvert pour Medjugorje?
Mgr Rey : Le diocèse a accueilli – vous me parliez du père Alexis Wiehe, du père Ludovic Marie Margot et d’autres encore – nous accueillons beaucoup, soit des communautés soit des personnes qui viennent ici dans notre diocèse, parce que je pense que ces personnes se sentent accueillies avec ce qu’elles sont, avec ce qu’elles portent. Elles façonnent l’identité du diocèse. Cette capacité d’accueillir et d’intégrer tous ces charismes, tous ces dons est ce qui fait qu’un certain nombre de ces dons ont trait à Medjugorje.
Sabrina : Comment devient-on un évêque connu à travers la France et plus loin, pour être aussi accueillant des diversités d’expression de la foi des uns et des autres, tout en restant catholique?
Mgr Rey : Parce que, précisément, le mot catholique c’est l’universel. On rencontre la diversité universelle c’est-à-dire la manière de vivre la foi, qui est très différente d’un lieu à un autre. L’essentiel est de jouer la même partition, mais dans un concert il y a différents instruments. Moi-même, j’ai été dans une communauté, la communauté de l’Emmanuel, qui m’a porté, qui m’a accueilli, qui m’a aidé à grandir… J’ai eu l’occasion aussi de rencontrer lors de multiples voyages à travers différentes circonstances d’autres charismes… Pour moi, c’était très fondamental de dire que l’Église n’est pas une entreprise avec des schémas pré- établis mais l’essentiel c’est la fécondité, fertilisée encore par une manière de vivre, de voir la foi ferme de laïcs engagés.

C’est ce qui fait cette richesse. L’Église, c’est un jardin dans lequel fleurissent différentes herbes et c’est ce qui donne cette diversité des couleurs qui sont enrichissantes, les unes par rapport aux autres, à condition que le socle soit commun, que la mission soit partagée par tous pour le service du peuple chrétien.
Sabrina : Vous avez la chance d’avoir dans votre diocèse des endroits extrêmement importants: le sanctuaire de Cotignac, le sanctuaire de la Sainte Baume, Sainte Marie Madeleine… Vous avez donc des sanctuaires qui sont connus et qui sont beaux, qui sont anciens dans votre diocèse… Quels points sont semblables, quels points sont différents par rapport à Medjugorje?
Mgr Rey : Là aussi, ce sont des lieux de spiritualité qui sont liés à l’histoire, à des apparitions, qui sont liés à des évènements… Ce sont des lieux qui ont traversé les siècles et qui aujourd’hui mobilisent encore beaucoup de gens. On a besoin plus que jamais aujourd’hui, ans un monde qui est très superficiel et technologique, d’y retrouver une foi patrimoniale, liée à une histoire, liée à un passé, à un terroir, à un territoire. Donc on retrouve cette foi populaire, dans sa simplicité, sa générosité, dans sa ritualité aussi… Il y a des points communs. Ne seraitce que l’attachement à la Vierge Marie entre les sanctuaires, par exemple celui de Cotignac qui fête cette année son 500ème anniversaire des apparitions de la Vierge à Jean de la Baume. Et puis ici à Medjugorje, c’est Marie, notre mère, la mère de l’Église, qui est une éducatrice, qui nous aide à connaitre le Christ et à répondre « oui » comme elle. Il y a cette ressemblance avec Medjugorje. Il y a aussi d’autres aspects, je dirais, qui sont liés à l’enracinement dans la vie de l’Église. Ce qui me frappe ici, c’est à travers la beauté des liturgies, à travers les sacrements de confession, à travers les éléments structurants de notre foi, le chemin de croix… A travers la méditation du rosaire, une spiritualité qui est profondément inscrite dans la vie de l’Église, dans le cœur des fidèles. Et cela se retrouve aussi dans d’autres lieux de pèlerinage.
Sabrina : Le sanctuaire de Marie-Madeleine, l’apôtre des apôtres. Je vous ai entendu plusieurs fois les 22 Juillet à la Sainte-Baume et c’est toujours extrêmement poignant cette procession, ces temps de prière. Pourquoi est-ce que Marie-Madeleine est-elle importante aujourd’hui dans le cœur de tant de gens?
Mgr Rey : Ils se reconnaissent en cette pécheresse. Ils se reconnaissent en cette femme qui a dû, dans sa fidélité au Christ qu’elle a suivi jusqu’à la croix, traverser l’épreuve de la disparition de Dieu. On est dans un siècle aussi où Dieu est absent pour beaucoup. Elle a cherché, elle a pleuré, celui que son cœur aimait et il s’est révélé à elle, Il l’a appelée par son prénom! On croit aujourd’hui que dans une culture que Jean Paul II appelait «une culture de mort», on a besoin d’une femme comme Marie-Madeleine pour faire découvrir le Vivant. Le Christ.
Elle était là au pied de la croix, elle l’a vu mourir, elle était à l’ensevelissement, elle a vu Jésus être enterré, elle était là au matin de Pâques, dans le pressentiment que l’histoire du Christ ne s’arrêterait pas là. Donc elle est vraiment, pour moi, figure de l’espérance. On est dans un monde souvent désespéré. Il n’y a plus de perspectives, plus d’horizon. Les grandes idéologies sont mortes et on atteint la limite de soi-même, la limite de l’humanité et donc elle nous rappelle que Dieu ne nous a jamais abandonnés. Qu’il a traversé la mort. Seul peut nous parler de la mort celui qui en est revenu: le Christ.
Marie-Madelaine va annoncer la résurrection, elle va en parler aux apôtres. Ce qui est très important, parce qu’aujourd’hui, l’Église a besoin de le réentendre messe après messe, mais aussi à travers les témoignages des conversions. Rappeler à ces pasteurs, rappeler aux chrétiens que le Christ est mort mais qu’il est revenu à la vie.
Sabrina : Quand on a un diocèse qui est aussi riche en vocations, qui est dans une telle dynamique, quand on y a des sanctuaires tellement beaux est-ce qu’on ressent le besoin de fréquenter d’autres sanctuaires? Quels sont les sanctuaires dans lesquels vous aimez aller hors de votre diocèse?
Mgr Rey : J’aime beaucoup Lisieux par exemple. Je vais régulièrement à Lourdes parce que nous avons des pèlerins qui se rendent à Lourdes chaque année… Je me retrouve aussi à Paray-le-Monial, parce que j’étais le recteur de Paray-le-Monial et donc la spiritualité du cœur du Christ fait partie de mon blason épiscopal. Ce sont des lieux qui disent la foi. La foi s’incarne dans des lieux physiques. C’est très important. Ils font partie de notre histoire sainte.
Sabrina : Est-ce que lors de votre venue à Medjugorje vous aviez des attentes particulières ou y êtes-vous venu comme ça, comme une page blanche pour vous laisser imprégner?
Mgr Rey : Non je viens avec une grande disponibilité, sans prétention particulière. Avec cette assurance que l’Église ouvre un nouveau chemin pour la vie de ce lieu et c’est dans cette disposition vraiment très ouverte et accueillante que je suis arrivé.
Sabrina : Avez-vous eu l’occasion de parler avec tous ces dignitaires arrivés du Vatican? C’est très impressionnant! J’ai vu que les Franciscains sont très impressionnés! C’est extrêmement touchant parce qu’ils veulent bien faire avec tout cela, c’est très touchant!
Mgr Rey : C’est très intéressant de voir le Cardinal – Vicaire de Rome : Mgr Carballo que je connais bien, qui s’occupe des prestataires de la Vie consacré de la vie religieuse, société de vie apostolique… Le nonce apostolique pour la Bosnie Herzégovine je ne le connaissais pas. Il faut voir qu’à travers cette décision du Pape c’est comme une porte nouvelle qui s’ouvre. L’Église se reconnait dans tout ce qui est vécu ici. L’Église déclare officiellement qu’elle veut accompagner tous ces pèlerins. Ces guetteurs de Dieu.
Sabrina : Pour vous quel rôle Medjugorje peut-il avoir aujourd’hui ?

Mgr Rey : On a besoin aujourd’hui de réveiller la foi. La foi est endormie. C’est pour beaucoup, l’éclipse de Dieu. Quand je regarde les statistiques de la sécularisation qui est grande et quand on voit la foi vivre et briller à travers, ne serait-ce qu’à travers le témoignage de ces pèlerins, on voit les fruits, l’action de Dieu. Une réponse à notre interpellation «mais Dieu, où es-Tu? Dieu, que fais-Tu?» et on a là une partie de la réponse. Marie nous guide sur le chemin du Seigneur.
Sabrina : J’ai trouvé extrêmement symbolique que Mgr Hoser, vous invite vous, pour la France, Mgr Dominique Rey de Toulon! Alors quand vous allez vous retrouver la prochaine fois devant vos confrères de la conférence épiscopale de France, comment présenterez-vous Medjugorje?
Mgr Rey : Je vais présenter Medjugorje à travers ce que j’ai vu et à travers ce que j’ai vécu. Et cela vaut toutes les attestations, explications. Je crois qu’aujourd’hui on a besoin simplement d’un témoignage. Le témoignage des fruits et puis à chacun de voir en responsabilité, en conscience… Prendre la mesure de ce geste que le Pape François a fait et comment certains peuvent s’ouvrir à une ère nouvelle. Cette nouvelle étape, période de l’histoire de Medjugorje.
«Je ne suis pas là pour vous convaincre, je suis là pour vous le dire» disait Bernadette.
(article paru dans le numéro d’Août 2019 du journal officiel de Medjugorje Glasnik Mira)
Article Interview Mgr Dominique Rey en PDF